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Photo du Révérend Lloyd T. Nyarota par Mike DuBose, United Methodist News Service.
Le Conseil des Évêques Méthodistes Unis vient de mettre en place « La Commission sur la Voie à Suivre. » L'Afrique a obtenu une part équitable des 32 sièges. Deux évêques africains y siègeront, et un autre fera partie des trois modérateurs. L’on y retrouve également des laïcs et des pasteurs de toutes les régions d’Afrique.
C'est une bonne chose. Cependant, ce qui est intéressant, c’est que cette commission cherchera, principalement, à déterminer une voie que l'Église Méthodiste Unie devra adopter sur la question de l'homosexualité et comment nous pouvons essayer de garder notre unité connexionnelle.
J'ai participé à deux Conférences Générales en tant que consultant ; ce qui signifie que j'ai passé plus de temps dans les salles et les couloirs avec des lobbyistes. A ces deux occasions, j'ai été invité à être un porte-parole de l'Afrique sur les questions touchant les églises africaines.
C’est avec humilité que j’ai accepté cette invitation parce que je suis l'un des rares pasteurs Méthodistes Unis d'Afrique à avoir visité chaque conférence centrale et presque toutes les régions épiscopales en Afrique. J'ai également eu des entretiens avec mes amis des différentes régions du continent ainsi qu’avec des délégués à la Conférence Générale.
J'ai remarqué quelque chose d’intrigant : les conservateurs et les progressistes se sont aperçus que le nombre d'Africains augmentait chaque jour et que chaque groupe a désespérément besoin de leurs votes dans l'espoir de changer les choses dans la direction qu’ils souhaitent donner à l'Eglise.
L'Afrique est maintenant la pierre d’achoppement aux Conférences Générales.
Jusqu'à présent, ce sont les conservateurs qui ont réussi à convaincre mes frères et sœurs de pour voter pour eux. Ces « partenariats » ont été appelés coalitions. Vraiment ? Dans une coalition, il y a des partenaires égaux, un respect et une entente mutuels. Je ne les retrouve pas dans la coalition des conservateurs Afrique-USA. L’observation que je fais est que cette relation ressemble à celle du cavalier à son cheval ; ce qui renvoie beaucoup plus au colonialisme.
L'Eglise en Afrique n'est pas divisée sur la question de la sexualité humaine. Les Africains sont généralement d'accord avec la législation actuelle de l'Église selon laquelle l'homosexualité est incompatible avec l'enseignement du christianisme.
Cependant, les Africains souffrent d’autres formes d’exclusion et de division dans nos églises, telles que le tribalisme, le régionalisme, la polygamie et, parfois, le népotisme. Ce sont des questions pour lesquelles nous souhaitons vraiment que les partenaires de la coalition nous appuient avec la même énergie et le même enthousiasme qu'ils veulent que nous démontrions sur la question de la sexualité humaine.
Lors de la Conférence Générale de 2016, ce sont ces mêmes conservateurs qui voulaient réduire les fonds alloués au World Service Fund, bien que ce fonds soutienne, surtout, les ministères en Afrique et en Asie. Et certains de ces ministères luttent contre la pauvreté, l'un des plus grands problèmes auxquels sont confrontées les églises en Afrique.
Pendant ce temps, nous qui sommes en Afrique sub-saharienne devons avoir suffisamment d’énergie pour parler de sexe en public. C’est un sujet tabou que d’évoquer en public comment et avec qui certaines personnes entretiennent des rapports sexuels. Mais, nous avons été forcé d’évoquer ces questions et, pire, en parler dans l'église sous la présidence de nos évêques.
Nous estimons que les délégués américains n'ont aucun respect pour nos évêques. Nous avons été choqués à la Conférence Générale de 2016, lorsque l’un d’eux s’est attaqué à nos évêques africains sans avoir la moindre idée de ce qu’ils endurent pour assurer le leadership sur le continent. Un des évêques africains était à l'hôpital du fait d’un paludisme qu’il a contracté pendant qu'il parcourait les brousses pour diriger l'église.
L’éducation des Africains les enjoint de respecter leurs aînés et leurs leaders. Il me semble que la culture Américaine ait perdu cet aspect.
Nos contextes sont différents. Il est tout à fait normal que nous ayons des enjeux et des valeurs qui diffèrent.
La polygamie est l'un des problèmes majeurs qui troublent nos pasteurs dans les églises locales. Parfois, les enfants issus des mariages polygames ne peuvent pas être baptisés. Les femmes issues des mariages polygames se voient parfois refuser l’accès aux organisations de femmes à cause de la stigmatisation associée à la polygamie dans l'église.
La polygamie est un phénomène culturel aussi vieux que le monde. Les missionnaires ont créé une stigmatisation autour de cette question difficile pour l'Église Méthodiste Unie en Afrique, d'autant plus que certaines églises africaines favorisent la polygamie. Nous en parlerons pendant longtemps.
Il existe aussi des écarts de compréhension dans le domaine du divorce. Nous remarquons qu’Occident, les gens divorcent facilement lorsqu’il y a des problèmes dans leurs couples. Dans notre culture, le divorce n'est pas pris à la légère.
Je me souviens du premier jour lorsque mon nom a été présenté au conseil pour ma candidature au ministère pastoral. Je n'ai été choisi parce que j’étais issu d’une famille recomposée. Divorcée, ma mère s'est remariée ; ce qui a laissé certaines personnes dubitatives quant à ma capacité à être un mufundisi (pasteur).
Il a fallu le courage d’une femme pour contester la décision du conseil au troisième tour de vote pour que la raison l’emporte. Je crois que j'ai servi mon église avec la grâce et le leadership dans toute la connexion.
Combien de personnes en Afrique, issues soit des familles recomposées soit des familles polygames, sont-elles exclues de nos églises ou des postes de responsabilité dans l’église ?
Je suis sûr que si quelqu’un visite chaque district de l’Eglise Méthodiste Unie en Afrique subsaharienne, il aura autant de positions sur la polygamie que de districts. Il n'y a pas de consensus.
Les Conférences Générales n'ont jamais essayé de prendre une position inclusive sur cette question. L'Afrique a été amenée à croire que l'homosexualité est plus importante que la polygamie.
Je ne pense pas qu'il y ait une conférence en Afrique qui ait été confrontée au fait qu’une personne LGBTQ demande à être confirmé ou ordonné, mais nous avons toujours traité des questions de polygamie à tous les niveaux hiérarchiques de l'église.
En Afrique, les pasteurs sont susceptibles d’être mis sous-discipline si on les surprend en train de fumer ou de consommer de l'alcool - du moins dans ma conférence. Ceci n'est pas un problème aux États-Unis, où les conservateurs et les progressistes vous offrent de l'alcool lorsque vous dînez chez eux.
Il y a d'autres questions de justice telles que le viol, la stigmatisation, les violations des droits de l’homme, l’injustice, la démocratie, la bonne gouvernance, la pauvreté, le travail des enfants et la colonisation en Palestine, qui ont besoin d'attention et qui sont plus importants pour les Africains.
Il est temps que nos partenaires conservateurs de la coalition prennent en compte les vraies questions de justice en Afrique.
Nyarota est un pasteur Méthodiste Uni du Zimbabwe en service à l’Eglise Unie du Canada dans la province de l'Alberta. Il a servi comme consultant pour l’Agence Méthodiste Unie sur l'Église et la Société.