Plus d’une semaine après les élections présidentielles en Côte d’Ivoire, l’Église Méthodiste Unie s’efforce d’apaiser les tensions alors que l’incertitude envahit les Ivoiriens.
Dans un scénario politique similaire à celui qui a conduit à une guerre civile il y a 10 ans, le pays est divisé entre les partisans de l’ancien président Alassane Ouattara qui a été réélu avec 94% des voix, et ceux de son opposition, qui ont boycotté le processus électoral et formé un gouvernement parallèle. Ils affirment que la victoire de Ouattara violait les limites constitutionnelles des mandats. Cependant, le Conseil Constitutionnel a validé les résultats des élections le 9 novembre.
L’Église Méthodiste Unie de Côte d’Ivoire appelle à la prière et à des résolutions pacifiques.
L’Église Méthodiste Unie Jubilé-Cocody d’Abidjan est située derrière la résidence de l’ancien président Henri Konan Bédié, qui était un candidat de l’opposition à l’élection. L’évêque et les autres responsables de l’Eglise qui habitent dans la cour de l’église sont partis pour des raisons de sécurité.
Les manifestations autour de la résidence de Bédié ont conduit les forces de l’ordre à utiliser des gaz lacrymogènes sur la foule. Des véhicules blindés ont été stationnés à l’entrée des routes principales menant à sa résidence et à d’autres quartiers. Aucun taxi ni transport public n’est autorisé dans le quartier par mesure de précaution.
La station de radio « La Voix de l’Espérance » se trouve également dans la cour du Jubilé-Cocody. Le personnel a quitté le bâtiment, mais, comme ce fut le cas lors de la crise de 2010-2011, la station continue d’émettre 24 heures sur 24.
« Tout va bien. L’expérience de 2010-2011 et les habitudes adoptées lors de la pandémie de la COVID-19 nous ont permis d’être prêts pendant cette crise électorale, » a déclaré Lydie Acquah, directrice de La Voix de l’Espérance. « Dès qu’il y a une accalmie dans le quartier, une équipe se rend à la station pour vérifier le matériel et mettre à jour les programmes. »
Cependant, selon Mme Acquah, les programmes de nuit qui nécessitaient la présence du personnel ont été suspendus. Les programmes en langues vernaculaires ont également été interrompus en raison des barricades dans différentes villes par des jeunes en colère et des problèmes de transport public.
La grille des programmes actuelle de la Voix de l’Espérance a été spécialement conçue pour mettre l’accent sur la prière et les appels à la paix et à la cohésion, a dit Mme Acquah.
Plusieurs institutions de l’Eglise Méthodiste Unie dans la région ont également été touchées par ces troubles.
L’Hôpital Méthodiste Uni de Dabou, à 50 kilomètres au sud-ouest d’Abidjan, a subi les effets d’un conflit intercommunautaire dans la ville du 19 au 22 octobre, qui a commencé après que les partis d’opposition aient appelé au boycott actif.
Le violent conflit, qui a opposé les natifs Adjoukrou et les non natifs Malinké, un groupe ethnique du nord de la Côte d’Ivoire, a également touché la Communauté Bambara Méthodiste Unie. La majorité des 180 membres de cette communauté sont des Malinkés.
« Le mari d’une choriste a été blessé par des coups de machette, et leur maison a été incendiée par des étrangers, » a déclaré Robert Tera, prédicateur laïc de cette communauté.
Tera a déclaré qu’un de ses neveux est décédé dans le conflit. Le bâtiment de l’église a été épargné, mais certains membres se sont réfugiés dans le village de Debrimou.
« Aujourd’hui, tout est calme. Mais les gens ont peur d’aller au marché ou au travail, » a déclaré Tera.
Ces affrontements qui ont eu lieu dans les quartiers autour de l’Hôpital Méthodiste Uni de Dabou ont mis en avant la question de la sécurité de ce centre de santé.
« Des groupes armés non identifiés ont traversé la cour de l’hôpital avec des machettes, » a déclaré le Dr. Daniel Ahui, directeur de l’hôpital. « Certains sont venus avec leurs blessés. Ils ont menacé le personnel de l’hôpital et nous ont ordonné de soigner leurs blessés. »
L’hôpital a reçu sept personnes gravement blessées à coups de chevrotine et de couteaux. Deux d’entre elles ont dû être évacuées vers des installations mieux équipées à Abidjan.
« Nous devons sécuriser l’hôpital car nous vivons dans une situation d’insécurité totale depuis longtemps, » a-t-il déclaré, notant également les récents cambriolages.
L’Agence de l’Eglise Méthodiste Unie chargée des Ministères Globaux a accordé une subvention de 100 000 dollars qui sera utilisée pour construire une partie de la clôture autour des 18 hectares de terrain de l’hôpital. L’agence avait approuvé ce montant pour couvrir le coût de la rénovation de l’hôpital, y compris la peinture et la blanchisserie, mais après les troubles, Ahui a demandé qu’il soit réaffecté à la clôture. Ce qui a été approuvé par cette agence.
Ahui a déclaré que cette situation d’insécurité tenait les patients éloignés de l’hôpital.
« Avec la COVID-19, nous avons connu une baisse d’activité de 35%. La tension intercommunautaire a accentué cette baisse à 60%. Les gens ont peur de sortir, » a déclaré M. Ahui.
Bien que le calme semble être revenu à Dabou et dans d’autres villes de Côte d’Ivoire qui ont connu des troubles, notamment Yamoussoukro, Abengourou, Daoukro et Bonoua, les gens font toujours preuve de prudence.
Le Révérend Joël Thierry Vry, responsable du circuit de Grand-Bassam, a envoyé une note à ses églises pour leur demander de reporter toutes les activités du soir et de mettre l’accent sur le temps de prière en famille.
L’Eglise Méthodiste Unie-Côte d’Ivoire et United Methodist Communications, ainsi que la Conférence des Eglises de toute l’Afrique, ont également lancé une campagne de communication à grande échelle, dénommée la « Caravane de la Paix » pour exhorter à des paroles et des attitudes de paix en ces temps politiquement tendus.
Appelée « Côte d’Ivoire, reçois ma paix, » la caravane de 10 véhicules a sillonné plusieurs villes pour apporter des messages d’amour, de fraternité et de convivialité. Ce thème a été repris sur des panneaux publicitaires et des banderoles, dans des annonces à la radio et dans les journaux et par le biais de la messagerie texte UM Connect.
La campagne a pris fin à Abidjan à la veille de l’élection présidentielle du 31 octobre, mais elle se poursuit dans d’autres régions du pays.
« D’autres villes prennent le relais pour le reste de l’année, » a déclaré Dominique Tayoro, coordinatrice de la caravane de la paix.
« La politique ne doit pas être un chèque en blanc pour perturber la paix, » a déclaré Robert Beugré Mambé, ministre et gouverneur du district autonome d’Abidjan, qui a accueilli la caravane dans son village.
Il est un prédicateur Méthodiste Uni et ancien président de la commission électorale.
L’Evêque de Côte d’Ivoire, Benjamin Boni, a abondé dans le même sens.
« Le désir de l’Eglise est que nous vivions en temps de paix. Quand il y a la guerre, personne ne bénéficie de la vie que Dieu donne. Par conséquent, nous devons prendre des décisions pour la paix afin que le spectre de la guerre puisse être éloigné de ce pays, » a-t-il déclaré.
Broune est le directeur des rédactions francophones pour UM News et est basé à Abidjan, Côte d'Ivoire. Hervé Koutouan, journaliste indépendant, a contribué à ce reportage.
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