Photo de Marcelo Schneider, Conseil Œcuménique des Eglises.
Depuis la fondation des Nations Unies en 1945, le cadre d’élaboration de politiques et d’engagement multilatéral s'est élargi. Sa croissance dans le domaine de la santé mondiale est de bons augures au moment où nous essayons de trouver les moyens d'atténuer la propagation du nouveau coronavirus.
Le multilatéralisme est un mot difficile, souvent mal interprété comme concernant le monde entier et non la vie locale et quotidienne. La perception joue un rôle majeur dans la manière dont le public perçoit le multilatéralisme. Cela est dû en partie à la complexité des défis mondiaux modernes, qui dépassent largement la capacité d'un État ou même d'un petit groupe d'États à les résoudre seuls.
La nouvelle pandémie de coronavirus pourrait encore changer cette perception.
Comme le dit le proverbe, toute politique est locale. Ma réplique à ce proverbe est que ce qui est local pour l’un est le global de l’autre. Le local et le global sont des réalités simultanées.
Le connectionnalisme Méthodiste Uni s'apparente au multilatéralisme.
Commentaires
En tant qu'Eglise, nous abordons les questions sociales qui sont au cœur de l'agenda multilatéral, notamment la santé, les migrations, la paix, le climat et les préoccupations relatives à la pauvreté dans le monde, aux échanges et au commerce, au développement durable, à la justice sociale, aux femmes, aux enfants et à la justice entre les genres, aux droits de l'homme, aux peuples indigènes, etc.
La santé holistique, la guérison et l’épanouissement de la personne sont intrinsèques au Méthodisme et à ses racines Wesleyennes. John Wesley s'occupait à la fois de soigner l'âme et le corps biologique avec ses nombreux conseils et ses remèdes pour les maladies de son époque.
Dans toute la connexion Méthodiste Unie, nous plaidons pour des politiques de santé publique auprès des législatures nationales et des organisations multilatérales. Nous sommes ensemble dans cette mission mondiale pour le développement durable et l'aide humanitaire, en renforçant les capacités des peuples et des communautés à gérer leurs besoins en matière de soins de santé.
Nos nombreuses cliniques, hôpitaux, collèges et universités affiliés à l’Eglise Méthodiste Uni dans le monde entier forment des professionnels de la médecine, de la santé, de l’assistance sociale et de la pastorale.
Les droits de l'homme sont intrinsèques à la santé, à la guérison et à l’épanouissement de la personne
Les pandémies mondiales telles que le nouveau coronavirus ne tiennent compte d’aucune frontière souveraine ni d’aucune allégeance nationale. Le coronavirus ravage tous les peuples, quelles que soient leur race et leur classe sociale, mais ses effets sont plus dévastateurs sur les populations vulnérables partout dans le monde et sur les économies à faibles et moyens revenus en difficulté.
Pour atténuer la propagation virulente de la COVID-19, les autorités nationales nous demandent de rester chez nous, de nous laver les mains, de rester confinés et de pratiquer la distanciation physique. Ces directives de santé publique impliquent que nous ayons des maisons où rester, de l'eau pour nous laver les mains et un espace où nous pouvons nous déplacer tout en gardant une distance d'un mètre entre nous.
Lorsque les fonctionnaires du gouvernement philippin ont émis la directive pour que les Philippins restent chez eux, Norma Dollaga, une diaconesse Méthodiste Unie et activiste pour la justice aux Philippines, a réagi sur sa page Facebook : « Restez chez vous. C'est pour ceux qui ont un chez-soi. Et pour les sans-abri ? »
La réalité est que les droits de l'homme à la santé, au logement et à l'eau, ainsi que la mobilité humaine, ont longtemps été mis en péril dans de nombreux endroits du monde avant la survenance de la COVID-19. De plus, la crise sanitaire a servi de prétexte dans d'autres parties du monde pour s'emparer du pouvoir ou renforcer les lois de sécurité nationale qui portent atteinte aux libertés civiles et violent les droits démocratiques.
Ni la pandémie, ni l'exigence politique ou économique ne peuvent déroger à la jouissance des droits fondamentaux de l'homme.
Le fait que l'épidémie de la COVID-19 ait débuté dans la ville de Wuhan en Chine a entraîné une augmentation indue des actes racistes et xénophobes, en particulier contre les personnes d'origine chinoise, ou les Asiatiques en général. Cela s'ajoute à la montée continue du populisme et du nationalisme xénophobe dans le monde entier.
La santé est une richesse, il faut la financer fermement
Si la santé est une richesse, il incombe aux peuples et à leurs gouvernements de la protéger. Les agents de santé qui sont en première ligne contre cette pandémie devraient disposer de toutes les ressources nécessaires sans avoir à supplier.
Une guerre a peut-être été déclarée pour l'éradication de la nouvelle pandémie de coronavirus. Mais cela ressemble plus à un déploiement de rhétorique de guerre qu'à un financement que de véritables guerres auraient reçu.
Les budgets nationaux sont des documents moraux. La santé est la véritable richesse commune dans laquelle nous devons investir les ressources humaines et budgétaires. Pourtant, nous savons que les dépenses de défense dépassent aujourd'hui de loin les investissements dérisoires des caisses nationales dont les services de santé ont besoin urgemment et qu'ils méritent stratégiquement.
Une collaboration mondiale est indispensable
Le rôle de l'ONU dans la mise en place d'une coopération mondiale est crucial, en temps de crise ou d’accalmie. La coopération mondiale dans la surveillance des virus et des bactéries émergents est nécessaire si l'on veut atténuer les pandémies et éradiquer les maladies.
Coordonner cette collaboration mondiale et susciter le développement d'un vaccin pour traiter la maladie à coronavirus donne au public de bonnes raisons de faire confiance à des institutions mondiales comme l'Organisation Mondiale de la Santé. Pensez à l'éradication de la variole - et aux programmes en cours pour éradiquer à terme la poliomyélite et le paludisme - comme des exemples de la manière dont la coopération mondiale nous profite dans notre vie quotidienne locale.
Pour triompher de la COVID-19, une coopération mondiale est nécessaire sur de nombreux fronts - médicaux, pharmaceutiques, agents de santé, prestataires de soins de santé mentale, établissements de santé. Une coordination entre les secteurs public et privé est nécessaire pour garantir que la chaîne d'approvisionnement des kits de dépistage, des respirateurs et des équipements de protection individuelle indispensables, tels que les masques faciaux N95, les gants, les blouses, les tabliers, les écrans faciaux et les respirateurs, reste intacte.
Une réponse multilatérale réussie exige une approche de santé publique « pangouvernementale », « pansociétale » et fondée sur des preuves. L'atténuation des risques est plus efficace lorsque les pays partagent leurs expertises et leurs connaissances scientifiques sur les menaces pour la santé, le climat, les populations, la paix et la sécurité.
Les inégalités sociales mettent en péril la santé publique
La Commission sur les déterminants sociaux de la santé, créée par l'OMS en 2005, s'est penchée sur les effets désastreux des inégalités sociales sur la santé des personnes. Les intersections de la santé physique, mentale et sociale, de la guérison et du bien-être sont très claires.
Le rapport final de 2008 de la Commission le précise : « Les déterminants sociaux de la santé sont les conditions dans lesquelles les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent. Ces conditions sont façonnées par la répartition de l'argent, du pouvoir et des ressources aux niveaux mondial, national et local. Les déterminants sociaux de la santé sont principalement responsables des inégalités en matière de santé, c'est-à-dire des différences injustes et évitables dans l'état de santé observé au sein des pays et entre eux. »
Les Nations Unies commémorent cette année leur 75e anniversaire. C'est un moment propice pour réaffirmer le soutien à ses mandats, en particulier la garantie de la santé pour tous les peuples et la planète. Une population en bonne santé est garante d'une planète en bonne santé.
Les organisations non gouvernementales, y compris les organisations religieuses comme nos représentations Méthodistes Unies aux Nations Unies, sont dans un moment de kairos pour aider à réaliser les mandats des Nations Unies.
La COVID-19 a peut-être été virulent et changera à jamais les règles de l'étiquette sociale et de la socialisation. Mais le nouveau coronavirus a fait ce que les négociations multilatérales n'ont pas fait : il a mis une pause à la mondialisation et sa recherche effrénée du profit et du capital.
Lorsque le monde se rouvrira à la suite des ravages liés au virus, nous aurons une tâche capitale à accomplir, non pas pour revenir aux dispositifs mondiaux et locaux, mais pour les transformer afin de protéger l'humanité et la planète, au moins contre les ravages des pandémies et des inégalités sociales.
Cela me réconforte de savoir que toutes les contagions ne sont pas mortelles. Certaines sont bénéfiques. L'amour et la gentillesse le sont. L'hospitalité, la miséricorde et la justice le sont aussi.
Bautista est secrétaire général adjoint pour les Nations Unies et les affaires internationales du Conseil Église et Société de l’Eglise Méthodiste Unie. Il est également le président de la Conférence des organisations non gouvernementales ayant des relations consultatives avec les Nations unies.
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